Depuis des millénaires, chaque printemps, sans le savoir, sans en tirer gloire ni reconnaissance, les bourdons offraient au monde la magie de la pollinisation réussie. La majorité des arbres fruitiers bénéficiaient du service des insectes pour transporter le pollen, assurer la fécondation des fleurs qui se transformaient en fruits. Puis il y eut cette année-là. Un jour, mutation génétique ou expérience d’un savant indépendant, nul ne le sait, « une forme d’intelligence » est venue aux bourdons. Vénérés dans les près comme « insectes supérieurs », dès l’année suivante ils créèrent des syndicats, surent facilement enrôler l’ensemble des insectes habilités aux opérations de pollinisation, annoncèrent leur souhait d’une discussion avec les producteurs fruitiers et les représentants des Etats. En moins d’un an, ils avaient
même su créer un porte-voix révolutionnaire, incroyable, transformant les bourdonnements en mots du langage humain. Langage humain que, naturellement, ils n’avaient pas besoin de décodeurs pour comprendre ! Solennel, le Bourdon-en-chef, élu au suffrage musical direct, déclara « le dossier concerne la santé publique des êtres humains, l’humanité devant au travail des bourdons son équilibre nutritionnel mais ce dossier concerne aussi notre santé, à nous, modestes travailleuses, modestes travailleurs de l’ombre, si souvent victimes de produits toxiques déversés dans nos campagnes...»
La « forme d’intelligence » des bourdons leur permettait d’analyser les comportements humains. Ainsi ils choisirent la France comme terrain de négociations. Et huit jours avant la date retenue, définie d’un commun accord, ce fut « la grève générale illimitée », avec exigence de forêts réservées, interdites à tout être humain. Cette année-là fut presque sans fruits. Presque : les excédents mondiaux de l’année précédente,
quasi-avariés dans les immenses chambres frigorifiques, permirent à la chaîne de grande distribution qui possédait une option d’achat de réaliser des bénéfices records en les écoulant au rayon « fruits frais ». Naturellement, et c’est presque un autre sujet, mais il convient néanmoins pour l’exactitude de l’information, d’ouvrir cette parenthèse, et de le signaler : on ne peut s’empêcher de soupçonner, que cette option d’achat, avait été prise grâce aux légendaires relations d’amitié du président de ce mastodonte économique avec l’un des membres fondateurs du conseil de surveillance de l’ONU... Fermons la parenthèse et revenons à nos bourdons.
Les médias maudirent naturellement le terrible week-end de gel des « saintes glaces » (toutes les personnes autorisées à s’exprimer dans les médias ne se souvenaient évidemment plus de l’absence de gelées à cette période).
Les négociations s’avéraient difficiles :
les boudons mesuraient pleinement leur pouvoir de nuisance. Ils furent accusés de cynisme,
accusation balayée d’un coup d’aile : « depuis des millénaires, n’est-ce pas vous, les humains, qu’il convient d’accuser de cynisme... nous n’avancerons pas si nous nous lançons à la figure de telles injures... »
Alors une réunion scella le sort de cette affaire. Réunion naturellement top secrète, entre les représentants des pays du Conseil de surveillance de l’ONU. Il fut décidé « d’en finir » : des primes colossales furent attribuées aux producteurs pour en quelques semaines arracher les arbres « régulièrement victimes des aléas climatiques » et les remplacer par des variétés « non sujettes aux aléas divers».
Les scientifiques furent évidemment priés de concevoir des arbres génétiquement modifiés... qui ne nécessiteraient aucune pollinisation... sans oublier de produire des fruits trois à quatre fois plus gros... Primes plus rentabilité accrue... les producteurs ne manqueraient pas de voter et faire voter pour les gouvernements en place... cet argument sut convaincre quelques légères réticences...
il ne faut jamais omettre la possibilité d’un bénéfice politique... fermons cette nouvelle parenthèse et revenons...
Quant aux bourdons et alliés, afin que la suprématie humaine ne soit jamais plus discutée par aucune espèce, ils subirent le plan répertorié sous le code « nuit des grands aérosols »... Cette nuit-là des avions décollèrent de l’ensemble des pays du conseil de surveillance de l’ONU. Les représentants des autres pays n’avaient pas été informés... au nom du principe de précaution politique : certains redoutaient une trahison parmi les dirigeants de nations politiquement dérisoires où subsistaient de dangereux énergumènes « soucieux de l’environnement » (comme ils avaient l’indécence de se présenter). Et à 6 heures 17 précise, furent déversées sur la planète des centaines de tonnes d’une substance radicale... La « solution finale » osa même, en comité restreint, le vénérable homme d’état à l’initiative de cette mesure...
Oui, c’est bien ce jour-là que, d’une « manière inexpliquée », des milliers d’êtres humains s’éteignirent d’une « crise d’asthme »... Les scientifiques furent naturellement couverts par leurs supérieurs, et même récompensés pour « services à la planète »... médailles, primes et voyages... ils avaient dû réaliser un insecticide radical dans un temps record... Selon une « enquête interne », forcément « top secrète » (une « enquête interne top secrète » est toujours exigée), l’incident serait la conséquence imprévisible d’un produit confectionné dans une ancienne centrale nucléaire où quelques éléments volatiles se seraient mêlés à l’insecticide.
Comme pour les hirondelles, il y eut bien quelques chansons sur la disparition des bourdons... mais elles ne purent, naturellement, jamais dépasser le cercle familial de leur auteur.
dans la case écologique, c'était le théâtre. Il existe aussi la chanson !
Avec chansons vertes et rouges chansonsvertes.com
chansons vertes contre les pesticides !
Le jour où les bourdons se sont révoltés... portez ce texte...
sur le forum : théâtre jeunesse texte : des textes du théâtre contemporain pour la jeunesse
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